GRAFFOOTI
PAS D’ALLER SANS RETOUR
Les 50 ans de l’immigration: Joyeux anniversaire…
Dès qu’on décide de quitter ses terres, on doit apprendre à se taire et à pédaler.
Pédaler dans la boue. Pédaler sur des pierres. Pédaler sur l’asphalte et s’y faire. Pédaler dans des côtes. Pédaler dans des pentes, au risque de se laisser emporter. Pédaler à contre-sens. Pédaler dans la choucroute. Pédaler pour avancer parce que dès qu’on freine, on recule. Pédaler. Parce qu’il n y a pas d’aller sans retour. Et que nos coups de pédales nous ramèneront forcément d’où on vient. Du moins si on sait où on va.
On ne voulait pas aller très loin. Là où on s’oublie. Là où tous les miroirs sont déformants. Où on porte des djellabas en cuir et des babouches avec des bulles d’air. Où notre culture survit, tant bien que mal, mais ne meurt pas au pied d’une frontière.
Un mec a pédalé, à perdre haleine, tout désolé, dans des allées pleines d’azalées. Ou d’orties. Il a fini par arriver tout grisonnant. Aujourd’hui, il fête ses 50 ans. Et nous, on fait le bilan.
Par le truchement d’une exposition pluridisciplinaire. Un parcours dans la mémoire. Des souvenirs qu’on ravive et qu’on archive avant que le temps ne les achève. Des images, des témoignages, de la musique et des mots qu’on sauve de la noyade. Et qu’on vous offre, tels quels, après les avoir sèchés de leurs larmes.
Les nôtres cesseront de couler quand on remplacera l’expression “fils d’immigrés” par “autochtones”. Ou quand on n’aura plus besoin de fêter ses 100 ans, parce qu’en 2064, c’est question sera démodée. En attendant, je pleure de joie parce que toute victoire est bonne à prendre.
Pour certains, l’immigration n’est qu’un concept où l’on range tout ce qui traîne dans la rue et qui fait tâche. Pour nous, au commencement, y avait un mec qui pédalait, à perdre haleine, tout désolé, dans des allées pleines d’azalées. Ou d’orties. Il a fini par arriver tout grisonnant. Et aujourd’hui, on fête ses 50 ans.
Youness Mernissi